Le Prince noir et la guerre de Cent ans à Clermont
Le XIVe siècle est connu comme une époque très sombre : famine, arrivée de la peste et début de la guerre de Cent ans. Dans la région en particulier, un fait historique marquant a laissé des traces douloureuses : ce fut la chevauchée du Prince noir en octobre 1355. C’est à elle qu’on attribue la ruine du Fort primitif de Clermont (Ousset et Labit, Clermont-sur-Ariège, pages 25-26).
Le Prince noir, impitoyable chef de guerre
Qui était donc celui que la postérité appelle le Prince noir, Black Prince, Princi negue en gascon ? Fils aîné d’Edouard III, Edouard de Woodstock a seize an en 1346 lors de la bataille de Crécy où il commande l’aile droite de l’armée anglaise et se montre sans pitié pour les vaincus. En 1355, son père le nomme gouverneur d’Aquitaine, cette partie du continent restée possession anglaise depuis le mariage d’Aliénor avec Henri II Plantagenet. A la tête d’une grande flotte, il débarque à Bordeaux le 20 septembre et deux semaines plus tard, il entraîne à sa suite barons anglais et gascons. Il s’agit de dévaster les terres du roi de France, de montrer aux populations qu’il n’est pas leur souverain légitime et ne peut les protéger. En ruinant le pays, il rend impossible toute levée d’impôt. Les premières terres ravagées sont celles du comte Jean d’Armagnac, celui-là même qui défend Toulouse. Partis de Saint-Lys (Haute Garonne) le mercredi 28 octobre, les quelque 6.000 guerriers, plus les auxiliaires, les chevaux, les chariots de l’intendance, traversèrent les deux fleuves dans la même journée et se reposèrent le soir au-dessus de Falgarde. Le jeudi 29 octobre, l’étape suivante fut Montgiscard dont la population fut massacrée, après que Castanet eut été brûlé au passage. Le traitement fut le même à Baziège, Castelnaudary, le bourg de Carcassonne, le bourg de Narbonne que le Prince atteignit le 11 novembre. L’hiver approchant, le Prince renonça à poursuivre sa chevauchée un peu avant Béziers et revint à Bordeaux en suivant un autre itinéraire. Le 2 décembre, l’armée rentra à La Réole, terre gasconne, sans avoir livré ni siège ni bataille rangée mais en ayant durablement appauvri les régions traversées.
Les étapes de la chevauchée
J’ai accompagné en 2011 un petit groupe d’Anglais réunis une journée autour d’un compatriote, Peter Hoskins, qui a retracé avec beaucoup de précision les étapes de la chevauchée dans un livre traduit en français « Dans les pas du Prince noir, Le chemin vers Poitiers, 1355-1356 ». Nous sommes allés observer les gués où le Prince noir a franchi les fleuves : à Pinsaguel et à Lacroix-Falgarde. La traversée était moins difficile en amont du confluent et assez loin de Toulouse qui était bien protégée par ses remparts récemment relevés et défendue par une armée commandée au nom du roi de France par le comte d’Armagnac Jean Ier. Le comte qui s’attendait à un siège n’osa pas attaquer les Anglo-gascons alors qu’ils étaient vulnérables pendant qu’ils traversaient les fleuves.
A Lacroix-Falgarde, il existe un lieu-dit Le Prince. Clermont n’est pas nommé dans les chroniques de l’époque mais il est tout à fait vraisemblable que ses troupes en maraude aient parcouru les alentours en pillant et brûlant. La tradition locale rapporte que dans la motte que nous appelons tumulus, un général anglais serait enterré debout sur son cheval. Jean Odol, historien du Lauragais, confirme que le souvenir du Prince noir est resté présent dans la mémoire populaire jusqu’à une époque récente à travers la légendaire figure de « L’homme noir ».
Le Fort de Clermont était désormais sans défense face aux ravages opérés par les Grandes Compagnies, bandes commandées par des indépendants, le bâtard de Terride vers 1360, Rodrigue de Villandrando vers 1430, qui complétèrent sa ruine. Il faudra attendre que la paix et la prospérité reviennent pour qu’en 1469, les habitants de Clermont obtiennent de leur seigneur, Odct d’Isalguier, l’autorisation de reconstruire leurs fortifications dont subsiste la porte.