L'école communale, hier et aujourd'hui
1876-1969 :
L’école de la Troisième République
Elle a duré presque un siècle, l’école primaire telle que l’a mise en place Jules Ferry.
C’était le temps où dans chaque petite commune, un(e) enseignant est seul(e) face à des enfants de 6 à 14 ans. Formé(e) ou non dans l’Ecole Normale du département, nommé(e) par l’Inspection académique, il (elle) vient habiter sur place logé(e) par la commune. La durée de sa présence à Clermont varie. Il (elle) participe souvent à la vie du village exerçant quelquefois la charge de secrétaire de mairie.
Le personnel
Les dix-sept maîtres ou maîtresses qui ont enseigné à Clermont pendant ces 85 années :
M. Hortal, 1884-1913
Mme Doyennard, 1913-1924
Mlle Fabia, 1924-1926
Mme Rivière, 1926-1929
M. Peybernet, 1929
Mlle Sabatier 1929-1930
M. Rouch, 1930
Mlle Laffon, 1930-1934
Mlle Uchan, 1934-1937
Mme Bousquet-Musoles, 1937-1943
Mlle Boué, 1943-1947
M. Dartiguepeyrou, 1947-1949
Mlle Filhe, 1949-1950
Mme Colin, 1950-1952
Mme Benech, 1952-1953
Mme Vergé-Depré, 1953-1956
Mme Philippe, 1956-1969
Observons le temps que ces maîtres ou maîtresses ont passé à Clermont : Sauf pendant les guerres et dans la dernière période, leur temps d’exercice est de deux ou trois ans. Trois seulement sont restés plus longuement : vingt-neuf années pour le premier, onze pour la seconde, douze pour la toute dernière.
Au début du siècle, le maître ou la maîtresse d’école est une personnalité dans le village. Pour François Hortal, on peut lire dans le registre des délibérations municipales deux témoignages de la reconnaissance de la population : en 1896-97, le Conseil municipal vote un crédit pour payer les cours qu’il donne aux adultes ; en1902, il vote une résolution pour appuyer la demande de bourse de son fils prêt à entreprendre des études. Mme Philippe, la toute dernière, a elle aussi donné des cours d’alphabétisation à des nouveaux venus.
Instituteur ou institutrice ? Au XIXe siècle, Clermont n’avait connu que des instituteurs. Au moment où François Hortal s’approchait de la retraite, le Conseil municipal s’inquiéta à l’idée de voir arriver une institutrice : il vota une motion pour réclamer un instituteur même si cela impliquait que la commune paye une dame pour l’apprentissage de la couture ! Ce vœu ne fut pas exaucé. Treize dames et seulement deux messieurs ont enseigné dans l’école. A la fin des années quarante, André Dartiguepeyrou a laissé le souvenir de son intérêt pour le sport : sous le préau il mit une corde lisse et sur la bande de terrain longeant la route, il installa plusieurs sortes de barres parallèles fabriquées avec des troncs d’arbres et pendant un été, donna des cours de natation dans le bras mort qui existait alors aux Fraysses.
Parmi les institutrices, je rappellerai le nom de Germaine Boué, institutrice à la fin de la guerre : pendant l’été 45, elle organisa dans la salle de classe un spectacle en faisant appel aux talents des Clermontois. Je me souviens de François Ragnès, ténor, chantant un succès de l’époque « J’irai revoir ma Normandie… » Je m’attarderai sur la dernière institutrice, Geneviève Philippe (1956-1969) qui pratiquait la méthode Freinet. Les écoliers clermontois imprimaient eux-mêmes un journal composé de leurs dessins et de textes libres parlant de leur vie quotidienne, de l’histoire du village... Ce journal, La Roca de Clarmount, était échangé avec d’autres écoles de France qui pratiquaient la même méthode.
La vie des écoliers
Comme dans toutes les écoles construites à cette époque, Il y a l’entrée des garçons et l’entrée des filles. Côté cour, un mur sépare l’espace des garçons et celui des filles. Les grands peuvent être chargés du ménage. Il n’y a ni garderie ni ramassage scolaire. Pour la cantine, un espace est prévu mais non le menu : les enfants apportent leur casse-croûte ou vont parfois manger au Fort chez le restaurateur ou un parent. Les écoliers viennent à pied. Leur retour, le soir, a souvent été évoqué dans la littérature : c’était le chemin des écoliers, l’école buissonnière …
Dans les années quarante, on avait souffert de la sècheresse : quand les puits étaient à sec, on allait à l’Ariège rincer la lessive et les bœufs en remontaient de temps en temps de l’eau dans un tonneau. En 1947, la municipalité pensa donc à récolter l’eau du grand toit de l’école dans une citerne pouvant contenir 22,5 m3 d’eau. La pompe était adossée au mur du préau. En installant de nouvelles gouttières, on refit la toiture.
En 1960, l’eau courante arrivant dans toutes les maisons, douches et toilettes furent installées pour les écoliers dans le vestiaire des filles et à l’étage, pour l’institutrice.
En 1962, un poële à mazout remplaça le traditionnel poêle à bois.
En 1965, les fonds alloués par la loi Barangé permirent d’acheter du matériel éducatif : cartes, microscope, diapositives…
L’école n’était donc pas négligée par l’autorité communale lorsqu’elle cessa de fonctionner en 1969, sa fermeture s’explique par une double mutation, démographique et institutionnelle.
Un changement démographique
Dans l’immédiat après-guerre, on comptait à Clermont un seul tracteur. Jusque dans les années cinquante, les métairies clermontoises, la plupart d’étendue modeste, trente ou quarante hectares, étaient cultivées avec des bœufs, le plus souvent par des familles d’origine italienne, les dernières arrivées vers 1950. Après 1960, le nombre des tracteurs s’étant multiplié, commença le regroupement des terres en un petit nombre d’exploitations. Aux petites parcelles succédèrent de vastes champs plus adaptés à la manœuvre des tracteurs. Les familles des métayers italiens dont les enfants avaient fourni une grande partie de l’effectif scolaire quittèrent Clermont.
Et un changement dans le système scolaire
En 1959, l’âge de l’obligation scolaire passa de 14 à 16 ans. Pour accueillir les 12-16 ans, n’existaient alors que les Cours Complémentaires. Un nouveau cycle se mettait en place, les Collèges d’Enseignement Général, installés dans les bourgs (Auterive, Castanet) vers lesquels conduisait un service de cars. L’école communale n’accueillait plus que le niveau élémentaire, les 5-12 ans. A Clermont, le jour de la rentrée de 1969, se souvient Isabelle, ils n’étaient que deux élèves : maîtresse et élèves rejoignirent l’école de Venerque. Dans le bâtiment abandonné, l’appartement de fonction devint locatif et la salle de classe vacante ne fut plus utilisée qu’occasionnellement par les professeurs de l’Ecole Normale d’instituteurs pour des sessions de travail entre eux.
Depuis 1982 :
La nouvelle École communale
Treize ans plus tard, la situation démographique commençait à changer. La population, de 242 habitants en 1968, était passée à 308 au début des années 80 : de nouvelles familles étaient venues occuper les anciennes métairies ou des maisons neuves et demandaient la réouverture de l’école que l’équipe municipale conduite par Bernard Cousturié obtint en 1981. Pour la documentation qui m’a servi à rédiger cet article, je tiens à remercier un de ses successeurs à la mairie, Serge Attali.
Une jeune institutrice, Jocelyne Grivet, fut nommée à Clermont. Elle y a accompli les trente-trois années de sa carrière (1982-2015) si bien que l’actuelle équipe municipale a décidé de donner son nom à l’école lors d’une cérémonie festive le 30 juin 2023. Trente-trois années qui ont été marquées par de profonds changements rendus possibles par le regroupement pédagogique intercommunal (RPI) entre Clermont et Aureville.
Des changements progressifs
Lors de la rentrée de 1982, c’est encore « la classe unique » : Jocelyne Grivet enseigne seule à 16 enfants qui vont de la grande section de maternelle au CM2 ; elle habite l’appartement de fonction – Elle le libèrera en 1991 pour habiter sa propre maison dans le village. Est-ce toujours l’école de la Troisième République ?
Dès la réouverture, cependant, il est prévu une vraie cantine scolaire : des repas froids sont fournis par la mairie de Castanet ; un agent municipal de service à mi-temps est créé.
Dès 1984, se met en place sous l’impulsion d’un collègue de Vigoulet-Auzil un Groupement des Ecoles Publiques Communales, le GEPCO, qui rompt° l’isolement de l’enseignant et organise de nombreuses rencontres entre les différentes écoles du voisinage.
La scolarisation des plus jeunes s’organise : en 1985, trois maires, Jean Thil d’Aureville, Yves Biannic de Goyrans et Francis Argouse de Clermont créent le SIEMCA (Syndicat Intercommunal de l’Ecole Maternelle des Coteaux de l’Ariège) : à Goyrans, sur un terrain communal offert par la commune, est installé un préfabriqué, aujourd’hui remplacé par un bâtiment en dur.
De la classe unique aux classes de niveau
En 1995, alors que le nombre d’élèves était tombé à 7 à Clermont, qu’une des deux classes d’Aureville était menacée de fermeture, le Regroupement pédagogique intercommunal (RPI) permit aux deux écoles de se maintenir en répartissant les enfants en 4 classes de niveau :
Aureville accueille les plus jeunes dans deux classes : Grande Section de maternelle et Cours Préparatoire dans l’une ; CE1 et une partie des CE2 dans l’autre.
Clermont accueille les plus grands dans deux classes regroupant l’une CE 2 et CM1, l’autre CM1 et CM2.
Nouveaux bâtiments et organisation extra-scolaire
L’installation du RPI a exigé de nouveaux espaces : il fallait une seconde salle de classe pour accueillir simultanément deux enseignant(e)s et un vrai réfectoire. Il y eut quelque temps des préfabriqués mais très vite ont été construits de nouveaux bâtiments sur des plans dessinés par l’architecte clermontois Frédéric Robin. Chacune des deux institutrices dispose d’une salle. La vieille salle accueille les plus jeunes CE2/CM1 ; la nouvelle salle les CM1/CM2.
A l’est, du côté de la nouvelle salle, il y a un second préau et un espace bibliothèque-garderie.
A l’ouest, une belle salle de réfectoire s’ouvre par de grandes baies vers la vallée, les collines et les Pyrénées.
La fourniture des repas, apportés froids et réchauffés sur place, est assurée par un service mutualisé entre plusieurs communes.
Quant à l’espace extérieur destiné à la récréation, il excède de beaucoup aujourd’hui les deux anciennes cours délimitées par des murs.
A la charge de la commune il y a un personnel pour accueillir les enfants et les surveiller en dehors des heures de cours, au réfectoire, dans la cour, la garderie, le bus. En 2024, dernière nouveauté : on s’apprête à créer un ALAE (Accueil de Loisirs Associé à l’Ecole).
Fini le chemin des écoliers ! Les voitures familiales ou un service de bus à la charge du département transportent les enfants matin et soir d’un village à l’autre.
Une profession elle-même changée
Finie la figure traditionnelle de l’instit ! Les enseignants ne sont plus des instituteurs/ institutrices formés dans l’Ecole Normale du département sans passer par l’Université mais des professeurs des écoles formés à l’Université où ils suivent une formation universitaire complète jusqu’au master 2. Beaucoup d’intervenants défilent dans l’école et il devient difficile de donner la liste des directrices car le corps enseignant est moins attaché à la commune que relié à une communauté pédagogique dans laquelle les maîtresses, Jocelyne Grivet et sa sœur Claude Pelletier, aujourd’hui Mme Couzy et Mme Brunel sont elles-mêmes formatrices de jeunes stagiaires. Des recherches pédagogiques s’y poursuivent si bien que l’école de Clermont a été distinguée et vient de recevoir le titre d’Ecole verte.