Les peintures de l’église de Clermont donnent-elles une image exacte de nos villages au XIXe siècle ?
Une légende, des processions, des clochers
L’église de Clermont a été décorée en 1868 par une famille de peintres italiens : un seul nom a été conservé, celui d’Antonio Buccaferrata. Outre des figures de saints sur la voûte de la nef, ces peintres ont représenté au plafond du chœur le village de Clermont et sur l’arc triomphal, huit villages d’où part une procession pour le pèlerinage à Notre-Dame des Bois. Nous avons cherché à vérifier l’exactitude de ces images à la date de 1868, l’époque où elles ont été peintes.
Au sommet de l’arc triomphal, dans un triptyque, est représentée la légende de l’invention de la statue : à droite, le taureau la découvre sous un genévrier ; au centre, on voit la statue elle-même parée de la couronne que la restauration du XXe siècle a supprimée. A gauche, arrive une procession.
Sur le montant gauche, en partant du haut, nous voyons :
Goyrans
Le clocher est ici tel que sur ce dessin de maçon daté de 1880. Il a été depuis deux fois reconstruit.
Auréville
Le clocher est celui que nous connaissons aujourd’hui avec ses cinq baies sur trois niveaux : il a été bâti en 1862. Mais les proportions sont très imparfaites. On reconnaît aussi les quatre baies en demi lune de la façade sud de l’église que jouxtent la cour et les bâtiments du château.
Le Vernet
Le clocher n’est pas le clocher actuel qui date de 1886. Mais on reconnaît, bien que mal proportionné, le porche à fronton triangulaire bâti en 1861. La commune apparaît comme assez importante parce que, comme à Venerque,on voit un suisse conduire la procession.
Issus
Le site est bien celui qu’on aperçoit de la vallée de la Hyse : à l’est (à droite), le château avec ses tours ; à l’ouest, (à gauche), l’église. Mais la forme du clocher surprend. Vu de la vallée, il devrait apparaître sur la tranche : or le peintre l’a représenté de face comme un simple triangle alors qu’Issus a depuis 1840 un clocher-mur rectangulaire.
Sur le montant droit, toujours à partir du haut :
Auragne
Le village est vu du nord : la situation est bien celle d’un village de crête. J’observe que le peintre a placé sur la droite une allée qui s’ouvre par deux colonnes ; la procession descend par une route située plus à l’est qu'on voit sur la photo récente. Le clocher-tour muni d’une flèche est le clocher actuel : il a été bâti en 1867.
Espanès
Comme pour Issus, le peintre a représenté de face le clocher qui est montré sur le même plan que le bâtiment du presbytère, aujourd'hui la mairie, alors qu’il lui est perpendiculaire mais il s’agit bien du clocher actuel, bâti en 1847, avec cinq baies réparties sur trois niveaux. La brique mise à nu au XXe siècle était crépie au XIXe.
Venerque
Le peintre a montré que Venerque est véritablement un bourg : un dizaine de maisons bien alignées bordent la rue ; un panache de fumée suggère une petite industrie. Un suisse conduit la procession. En bas, à droite, des arbres représentent le ramier de la Hyse. La masse de l’église est imposante.
Le clocher est bien tel qu'aujourd’hui : au-dessus et à l’ouest de la tour quadrangulaire s’élève le mur percé de quatre baies en plein cintre.
Le porche aussi est tel qu’aujourd’hui mais le sommet des murs latéraux n’est pas encore couronné par le crénelage et les mâchicoulis ajoutés par l’architecte Pierre Esquié en 1896-97.
Corronsac ?
Le huitième médaillon est le moins reconnaissable. La liste des villages qui participaient au pèlerinage comprend encore : Noueilles, Rebigue et Corronsac. Noueilles a depuis 1851 un clocher très différent. Rebigue a encore aujourd’hui un clocher-mur triangulaire à trois baies mais l’église située sur une crête est prolongée vers l’ouest par deux bâtiments. Le site de Corronsac, coupé par un vallon, me paraît mieux correspondre. L’actuel clocher-tour et sa flèche n’ont été bâtis qu’entre 1878 et 1882. Comme pour Goyrans et Le Vernet, on aurait donc ici une image de l’ancien clocher.
Clermont
Dans un grand médaillon couvrant le plafond du chœur est peint le patron de la paroisse, saint Pierre, enlevé par les anges au-dessus de Clermont. Pour représenter le village, le peintre a pris du recul et s’est placé sur l’autre rive de l’Ariège.
La falaise apparaît abrupte mais elle montre un espace assez grand à l’ouest de la Borde du Fort : sur cette mirande, on voit même un bouquet d’arbres. Toute cette avancée a disparu dans l’éboulement du 6 octobre 1911. Au-dessus de la porte du Fort, on remarque le pigeonnier pointu installé au XVIIe siècle et supprimé en 1933. Pour le clocher qui devrait avoir son aspect actuel car il avait été reconstruit en 1856, le peintre l’a représenté de face assez maladroitement. Les chemins qui partent du Fort sont bien visibles. Sur la droite à mi-pente apparaît une belle maison : elle était située au-dessus du chemin de Jourda sur l’actuelle boucle de Notre-Dame des Bois. En bas à gauche, on distingue encore une maison au bord de l’Ariège, c'est le quartier des Fraysses.